UTMB 2011 : DANTESQUE !
UTMB® - la course "reine" et originelle
Sept vallées, 71 glaciers, 400 sommets...
Le massif du Mont Blanc fascine. Parcourir le tour du Mont Blanc, c'est découvrir un univers incomparable, celui de la haute montagne impressionnante et magique ; c'est partager le rêve éternel des pionniers, c'est traverser le jardin féerique de Gaston Rebuffat et des récits de Roger Frison-Roche et découvrir la géographie intime des sommets: l'arrondi du Mont Blanc, l'arête de Bionnassay, la Noire de Peuterey, la Dent du Géant, la paroi des Grandes-Jorasses, les pointes sud et nord de l'Aiguille du Tour, l'Aiguille Verte, la verticale des Drus.
«C'est un véritable jaillissement d'aiguilles de granit, de hauts sommets cristallins, où l'érosion d'une intensité exceptionnelle a découpé, scié, tranché, brisé, morcelé l'imposant soulèvement des vieilles roches, découvrant un paysage d'une exceptionnelle beauté.» (Roger Frison-Roche, guide-écrivain)
Dès la première édition, l'UTMB a été appelée la "course de tous les superlatifs".
Un tour du massif du Mont-Blanc complet, traversant 3 pays : la France, la Suisse et l'Italie, celle que tout coureur d’ultra doit avoir finie une fois dans sa vie.
Le tour du Mont-Blanc au départ de Chamonix, cette année ce fût 170 km, 9700 m de dénivelé positif, et en semi autonomie.
Un événement mondial, dans un décor grandiose sur un parcours ultra exigeant.
Je n'aurais raté ça pour rien au monde. Nous sommes 2369 au départ, ce vendredi 26 août 2011. Il est 23:30 place du Triangle de l'Amitié à Chamonix.
Un départ inédit puisque donné en pleine nuit à cause des mauvaises conditions météo qui règnent depuis la fin de journée sur le Mont Blanc.

Après une longue journée d'attente, précédée de nuits de canicules passées à Toulouse, puis la pression qui est montée malgré moi, j'arrive enfin sur la ligne de départ, pas très frais.
Peu importe! Je vais réaliser un rêve qui me trotte dans la tête depuis 10 ans, ce jour où j'ai vu ces hommes en reportage parcourir cette distance et ce dénivelé inimaginable pour moi, incompréhensible, un monument inatteignable, un mythe. Et puis je suis là, à mon tour, et ce n'est plus un rêve.
Je ne veux qu'une chose: être finisher !
23h30. Il pleut. Depuis bientôt 4 heures maintenant. On annonce la neige au col du Bonhomme. La musique de Christophe Colomb, de Vangelis, retentit. Chair de poule ... La course commence, le Jour le plus long aussi.
UTMB 2011 - Le départ /// Start of UTMB 2011 par UltraTrailMontBlanc
Je pars vite, besoin de libérer toutes les tensions des dernières heures, des derniers jours, des derniers mois ! Un parfum de tour de France règne où il faut se faire un chemin pour progresser et ce….pendant des kilomètres !
Après une vingtaine de minutes, le calme « tout relatif » revient et je contrôle mon rythme.
Le niveau sonore augmente au fur et à mesure que l’on se rapproche des Houches où l’ambiance est folle. J'attaque la première bosse au train… Il neige au km 14, Delevret, 1776 m d'altitude... La montée régulière est agréable… je trouve quand même que pour une allure de rando-course, j’ai les jambes lourdes…
Après la bascule, j'attaque la descente glissante. Le niveau est monstrueux car des descendeurs me doublent comme si nous étions sur un 30km…moi, je gère mais je sens que quelque chose ne va pas…
Aux Conta je sens que je suis « moyen » niveau sensation. Je remplis mes bidons sous une pluie battante, les jambes…ne tournent pas comme d’habitude. Le froid s'empare de moi, je décide de m'arrêter 15 minutes dans la salle d'infirmerie: ô surprise, elle est déjà bien remplie: un gars vomit ses tripes dans un coin, un autre est allongé et ne bouge plus, un réunionais vient de s'ouvrir la cheville jusqu'à la malléole... tant pis j'ai trop froid, je m'allonge sur un lit de camp et une bénévole adorable m'apporte une couverture+une couverture de survie+une bouillote+une 2è couverture... rien n'y fait je grelotte. AAARGh j'avais pas prévu mon 1er UTMB dans ces conditions et je remet tout en question.
J’ai pas la mine des grands jours et Caro doit le sentir car je reçois des SMS d’encouragement, il y a du monde derrière toi Alban ! Courage !
Allez, la course est longue, cela va venir. Je repars. Direction Notre Dame de la Gorge et La Balme. J’avance quand même mais sans énergie. Le silence de la montagne est au bout de la route, les choses sérieuses commencent: l'ascenscion du col du bonhomme, un sentier entre chiens et loups. La terre est dure.
Au sommet, je découvre un panorama exceptionnel et jusqu'au refuge de la croix du Bonhomme, j'admire le lever du jour. Il a neigé pendant la nuit. C'est verglacée. Tous les sommets alentours sont parsemés de neige !
Les paysages et les couleurs sont magnifiques. Les montagnes passent par des roses, des violets et des oranges splendides. Un moment de plaisir qui fait du bien ! L'hélico de The North Face est là, les bouquetins aussi. C'est magique:
Puis je descends aux Chapieux tranquillement. Sortie du ravito, plus de neige mais un contrôle de sac. Le bénévole qui s’en est chargé a été super sympa.
La route goudronnée pour aller jusqu’au pied du col de la Seigne est interminable, ça n'en finit pas ! Mais pourquoi on est pas passé par la Tête Nord des Fours ? Ah oui faut que ça fasse des km...
Quoiqu'il en soit je trottine sans précipitation mais dès que je m’engage dans la montée, toutes les formes de précipitation s’enchainent : pluie d’abord, grésil ensuite, neige, grêle, re-neige et voilà le sommet avec toujours une vue aussi magnifique à 360°.
La bascule dans la descente sur le lac Combal va vite. Dans la vallée, le ciel est bleu. Le vent a laissé un crachin humide à la frontière. Au ravito, je me réchauffe dans les vapeurs d'un thé et d'un bol de soupe. Je peux enfin évacuer la pression et les remous d'une nuit humide et froide en partageant des sourires, des anecdotes.
refuge Elisabetta
Lac Combal, Moraine du Glacier du Miage, Aiguilles rouges du Brouillard, Aiguille Noire de Penterey
Puis la montée jusqu’au col Checrouit se fait en limitant l'énergie. La descente sur Courmayeur est très raide et lente par rapport à mon niveau et je me traîne jusqu’à Courmayeur…en arrivant à la base de vie.
C'est la mi-course mais je n’y arrive pas. Je vais rendre mon dossard, pas de plaisir. Je peste en pensant à tous le plaisir que j’avais pris l’an dernier sur la CCC du début à la fin ! Cette année, en 15 heures de course, j’ai bien du mal à chercher des moments positifs !
Pourtant je me suis promis d’aller au bout…
" - tu ne vas pas abandonner ?
- tu vas réussir, n’abandonne pas..."
Communiqué de l'organisation - Suite à un très gros orage sur Bovine vendredi, le poste de ravitaillement a été détruit. Nous ne sommes pas parvenus à le rétablir dans des conditions de sécurité acceptables, de façon à ce que tout soit prêt avant le passage des coureurs. Nous avons donc pris la décision de faire passer l'UTMB par le parcours de repli de Martigny, le même qui a été utilisé la veille pour la CCC (pendant la tempête). Le nouveau parcours de l'UTMB fera donc 170 km et 9700 m de dénivelé positif, la distance entre Champex et Trient pour ce parcours représente 5,6 km et 690 m+ supplémentaires.
Machinalement, je me change et je réfléchis à la situation… C’est complètement dingue d'arriver là et d’échouer ! Quel image je donne ? J’en rage, prends mon courage à deux mains et décide de repartir jusqu’à Vallorcine où je retrouverai Caro…
Les amis de Toulouse sont là aussi pour me donner du courage par sms !
ça fait chaud au coeur ...
Je repars pour Bertone… En plein soleil. Normalement c’est très dur mais, j’ai l’impression que cela va un peu mieux. Cool…Ensuite Bonnati, …j’ai du mal à relancer car une douleur au talon me gène depuis peu …des ampoules tenaces sont aussi de la fête; j’arrive à Arnuva j’enchaîne les ravitos sans trop m’arrêter...
la nuit est tombée ….Se dresse devant nous un monstre: le grand col Ferret, passage Italie Suisse ….. en levant la tête je vois la tente éclairée du sommet, et la longue liste de frontales allumées …..
je me sens moyen. Je me retrouve assez rapidement en petit groupe d’une dizaine de coureurs, la montée est longue, je décroche 2 fois et je me raccroche à d’autres concurrents. Le vent est terrible, des vrais rafales et il ne fait pas chaud du tout…
J'arrive enfin au sommet, et surprise, après le sommet dans la descente me voila dans un brouillard dense … ma frontale me renvoit de la lumière dans les yeux et c’est assez difficile de voir quoique ce soit , je descends néanmoins et je perds les traces … je me retourne, je vois au loin un groupe de frontales, je les attends et on reste ensemble ça sera plus facile …. Ce brouillard nous l’aurons pendant une demi heure, puis on arrive enfin au refuge de la peule …et là je tombe à nouveau de fatigue.
S’enchaine ensuite une grande partie en sentier relativement plat ….. La Fouly, Praz de fort. Je recommence à courir, j’attaque une longue descente tout en courant alors que je dépasse quelques coureurs … j’arrive dans Issert. Puis j'attaque la montée sur Champex. Cette montée souvent redoutée est celle de mes premières hallucinations !!!
Et oui, on attaque la deuxième nuit dehors… En regardant une falaise je crois voir un dragon. Un collègue me répond avec fermeté que c’est une vache ! Plus loin, je vais croiser des lutins, des sorcières, des visages de gens connus, des souches que je prends pour un dépotoir de jouets en bois…enfin bref, je ne suis plus tout seul dans ma tête !
Je décide alors sagement de me poser pour une micro-sieste de 15 minutes... qui se transforme vite en 59 minutes
On est dimanche, le jour se lève, on va attaquer le parcours de repli qui a l’air très long et pas très « fun ». Effectivement, c’était…inutile et très démotivant…ces 5 heures dans la Vallée Suisse à jouer aux montagnes russes sur des % de dingues…sans commentaires..
Dans le peloton gonfle une rumeur : les barrières horaires … d’après cette rumeur nous sommes en retard et serons très probablement en retard sur ces foutus barrières horaires … je sais que c’est faux, alors je peste et rouspète en rembarrant chaque argument, mais bizarrement je monte vite vers le col de la Forclaz, je suis rejoint par d'autres, tout aussi inquiets, on décide de tout mettre dans cette montée de col ….
Le col est là, la descente qui s’ensuit me fera des sueurs, je suis limite crampes …… alors je ferai la descente prudemment sur Trient … Trient 2 minutes d'arrêt .... Je n'ai pas envie de m'éterniser non plus dans ce lieu de ravitaillement ... je remplis ma poche d'eau, prends du fromage du pain et je repars , juste le temps de discuter un peu avec un jeune anglais qui a l'air de souffrir plus que moi; je lui remonte le moral (c'est l'hôpital qui se fout de la charité), et j'attaque la montée de Catogne ....
Je pars aussi vite et après 25 min coup de mou de chez coup de mou ...... je finirai cette montée tranquillement .... tous ceux que j'aurai dépassé repasseront devant moi . Le coup de mou ne passe pas. Pourtant les paysages sont grandioses, pas un nuage dans le ciel, la chaleur omniprésente, le panorama est éblouissant.
Ca y est Vallorcine pointe son nez ! Je m’étais dit qu’en arrivant ici, il y avait toutes les chances de voir Chamonix. Avec mes douleurs, je fais moins le malin mais fanfaronne quand même quand j'aperçois Caro ! A la sortie du Ravito je souris avec mes compagnons de galère ! On va y arriver. D’ailleurs le col des Montets arrive vite et Argentière aussi. Comme par enchantement je peux à nouveau courir alors je déroule. Caro cours avec moi. Je vois de l’émotion dans ses yeux. Elle qui n’a pas dormi de la nuit pour suivre son traileur préféré !

Merci Caro ! Merci Yvette ! Elle me prévient que la fin est plutôt facile mais assez long quand même ! ... moi qui croyais être à moins d’1 heure de l’arrivée…
Effectivement, les balcons entre l’Argentière et Chamonix doivent être magnifiques comme balade dominicale…mais là après 40 heures d’efforts, les montées sont GRRR !!! et les descentes ARGH' !!!!
Mais l’adrénaline commence à monter, dernière descente…les premières rues de Chamonix. Je souffre, je pense à mes parents, à Caro, mes amis, les sacrifices de cette année, ma course ratée d’un point de vue sportif, mes douleurs aux pieds, mes rencontres, les paysages, ce sport…
MAIS POURQUOI JE NE SUIS PAS PASSIONNE DE BELOTE !!!!!!!

je cours, cours vers cette ligne….la musique raisonne, j’ai l’impression que tout CHAM est là !!!!

Encore 1KM, j’essaie de contrôler mes émotions, j’ai quand même un statut de guerrier à défendre sur la ligne, la foule commence à être nombreuse, les « Bravo » se répètent par centaines… Caro et misty courent avec moi...
Je vole, je plane, je déguste, je n’ai plus mal je l’ai fait, JE L’AI FAIT !!!!!
Ces moments seront uniques dans ma vie, ils resteront à jamais en moi et me serviront toute ma vie ! On peut aller au bout de ses rêves, même avec les plus grandes difficultés du monde ! J'ai eu un gros mental comme jamais j'aurais imaginé !
J'ai une pensée émue pour ceux qui n'ont pas pu réaliser leur objectif...terminer la boucle...
Je félicite grandement tous les finishers du premier au dernier pour avoir réussi ce défi : nous sommes 1133 dont 72 femmes qui ont pu rallier l'arrivée. Cela représente 47,83% des partants contre 60,5% en 2009. 1237 coureurs ont dû s'arrêter avant de franchir la ligne d'arrivée.
Cet UTMB est donc une expérience…étrange….un étonnant sentiment de réussite et de plantage. Plantage par rapport à mon niveau de forme que j’avais au départ…plantage aussi car je fais ce sport pour profiter de la montagne et apprécier sa grace, sa beauté...là c'était très compliqué. J’aime ce sport pour le plaisir qu’il me procure, les sensations de liberté qu'il me donne…et contrairement à la Montagn'HARD, cet UTMB a été plus synonyme de souffrance que de moments d’extase… sans doute due aux conditions dantesques en altitude, où, la neige, le froid, le vent, la pluie et le brouillard m'auront congelé. A méditer pour la suite.
Une chose est sûre, pour faire ce genre de course, il faut être dans un bon jour et pour moi, ce n’était pas le cas ! Néanmoins le mot qui me revient le plus est: Mémorable.