Trophée du Grand Vignemale : émotions au sommet
Samedi 5 juillet 2014, je m'attaque à un sommet mythique : le plus haut sommet des Pyrénées françaises :
Le Grand Vignemale (3298m), 7è édition de cette course en 110 ans d'existence, la 2è du 21è siècle !
Le Lieu: Cauterets, station thermale des Hautes-Pyrénées, mais également station de ski et de sports entre terre, ciel et eau.
Un peu d'histoire: Le mythe démarre au 19è siècle, avec les premières ascensions qui écrivent l'histoire de l'alpinisme pyrénéen, et il se poursuit avec des voies inédites face nord. A partir de 1904, les pentes du Vignemale seront le théâtre de courses entre guides et chasseurs. Et la dernière édition de cette course dans la configuration 2013 remonte à 1991 avec un record en 4 h 24 mn réalisé par Jean-François March. Le record tient toujours !
Le parcours, en plein cœur du Parc National des Pyrénées, est long de 45 km et d’un dénivelé positif de 2717 m. Il est tracé autour de Cauterets.
Peu de course peuvent se vanter de faire si simple et si haut.
Pour plus d'infos historiques :
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A l'occasion de l'édition 2013, j'ai écrit un certain nombre de pages qui sont valables pour toutes les éditions à venir! Les voici : Pratique/parcours : Le RoadBook de la Course du Vignemale C...
http://cauteretstrails.wordpress.com/la-course-du-vignemale/
histoire course du Vignemale à Cauterets - course à pied des hautes-pyrénées.
histoire course du Vignemale à Cauterets, hautes-pyrénées. course à pied organisée par le Club Athlétique de Cauterets. Challenge WMRA de Course en Montagne longue distance puis challenge du ...
http://www.race-cauterets.fr/index.php?pg=presentation-course&chgLang=FR
Le parcours passe par le refuge des Oulettes puis contourne le massif et son imposante face nord pour gravir le versant sud et son glacier: le glacier d'Ossoue, second plus important glacier des Pyrénées après celui de l'Anéto.
Un magnifique-technique-physique aller-retour m'attend ! Unique et inédit pour moi en mode compèt ! Unique aussi la montée finale au sommet de la Pique Longue à 3298m, en escalade avec cordes fixes et longeage obligatoire. De la Haute Montagne comme je l'aime.
7h00 dans les rues de Cauteret, nous y sommes, c'est parti pour une énorme virée.
La météo sera capricieuse au sommet avec froid, nuages et vent : 0° annoncé et surement beaucoup moins en ressenti ! Mais du coup les conditions sur glacier seront parfaites et l'enneigement moindre qu'en 2013 va nous permettre à la montée de prendre le sentier en traversée sous le Petit Vignemale.
618 coureurs au départ et des barrières horaires très sélectives, c'est ça aussi le Trophée du Grand Vignemale: 3h30 temps maximum pour arriver au refuge de Baysselance à 2650m, soit 19,3 km et 1730m de D+ en moins de 3h30,
et ceux qui sont encore sur les pentes du glacier après 5h de course ne pourront plus gravir le sommet, les organisateurs tiennent à ce que cette course reste une course de montagne et pas une randonnée pédestre !
Résultats cette année plus de 200 coureurs hors délais ou abandons, c'est juste énorme.
Quand je vous dis que cette course est à part ! C'est une épreuve extrêmement difficile.
Ca part donc vite ce matin pour un long échauffement de 7km et 540m D+ jusqu'au Pont d'Espagne. Je tente de pas m'enflammer mais faut avouer qu'il y a du niveau, les premiers sont juste impressionnants.
Le Lac de Gaube marque enfin l'arrivée en montagne, au coeur du Parc National des Pyrénées, c'est splendide !
Les sensations sont bonnes mais pas extraordinaires, pas de jambes de feu aujourd'hui, alors je profite du beau paysage qui se dévoile sous mes yeux pour me redonner de la positive énergie!
Refuge des Oulettes, 2h de course et déjà 15km et 1230m D+ avalés, c'est parti pour la grimpée à la Hourquette d'Ossoue. Premiers névés, ça grimpe fort, parfois dré dans le pentu! , et me voilà à 2730m d'altitude.
Je bascule a présent sur une petite descente qui fait du bien pour rejoindre le refuge de Baysselance, 3h de course, et première fois que je suis à 30 minutes d'une barrière horaire ! c'est redoutable car j'ai pas l'impression d'avoir traîné !
Je passe à 30 minutes du recalage...
2è "ravito" , je met des "" car autre spécificité de cette course, il n'y a aucun ravitaillement excepté en eau, c'est la complète autonomie, et c'est ce qui fait aussi le haut degré d'engagement de ce trail !
Et c'est ce qui aussi va me jouer des tours sur le retour à Cauteret...
Mais j'en suis pas là, je rejoins la bifurcation, véritable porte d'entrée sur le glacier d'Ossoue, c'est parti, les choses sérieuse commencent pour moi: moins de 3 km et 750m+ de cheminement glaciaire.
Je commence à remonter des dizaines de coureurs à la peine sur les fortes pentes enneigées. Des pentes à 15/20% par moment, je sors les gants, les pieds commencent à se refroidir, les mains aussi, on évolue à 3000m et ça caille sérieusement. Pas de soleil à l'horizon. 2°C, du vent, quel contraste avec Cauteret !
La dépense d'énergie est énorme, les calories s'envolent et mes 63kg en prennent un coup. Je continue à produire mon effort et j'arrive au pied de l'ascension sommitale, wouah, c'est raide, 2 cordes fixes pour monter, 1 pour la descente. Les premiers sont passé il y a un moment et c'est juste hallucinant de vitesse et de maitrise. Respect total pour ces athlètes hors norme, véritables machines des montagnes !
Les bénévoles sont là, professionnels, veillant sur chacun et assurant le bon déroulement des opérations, coup de chapeau à eux tous dans ces conditions pas faciles.
Plus haut un coureur dérape et envoie une dizaine de cailloux qui prennent une sacrée vitesse en arrivant sur nous, la tension monte...
Un bon quart d'heure de concentration et d'effort et me voilà au sommet, Pique Longue, 3298m. Pas le temps de vraiment en profiter, la vue est quelque peu bouchée mais surtout le froid est saisissant ! Un petit tour, puis c'est la désescalade, faire passer autant de coureur sur ce secteur est tout simplement démentiel ! Chapeau ! C'est bien technique, j'ai les doigts frigorifiés sur la corde, et là encore la dépense d'énergie est conséquente.
Enfin les derniers mètres, je retire les mousquetons, c'est la libération, j'attaque plein pot la descente pour me réchauffer, descente de glacier que certains ont faite en ski et qui m'aurait pas déplue, mais c'est une autre histoire !
C'est bien à pieds que je fonce sur la neige pour rejoindre la bifurcation. Quand la pente devient trop forte je passe en mode toboggan, sur les fesses, c'est dur, ça brule mais quel pied ! Le freinage est sous contrôle de la jambe droite et la direction avec la gauche, et quand c'est tout droit j'ai les 4 fers en l'air.
Avec un collègue on fait la course, son poids l'avantage et il me passe à l'aise sans le moindre effort !
Fin de la première session fun de descente, je sens plus mes fesses, mes mains sont comme 2 glaçons, mes orteils des bouts de bois, retour à la bifurcation, il faut attaquer la remontée au refuge de Baysselance, je mange les derniers solides que j'ai sur moi car je suis presque en hypo. C'est le gros coup de barre.
J'avance plus du tout, c'est la panne sèche. Zut. Les premiers coureurs me rattrape et me laisse sur place.
J'ai dépensé beaucoup d'énergie et je m'aperçois, trop tard, que j'ai pas pris assez de quoi manger. Erreur fatale ! J'ai sous estimé les conditions et l'effort à fournir aujourd'hui.
Au refuge, je prends le temps de me poser, et c'est en m'arrêtant que je réalise réellement ma fatigue. Dur !
Je m'attarde pas, je sens que je me refroidit vite.
Je repars doucement direction le col du Labas (2720m), dernière montée, j'avance tant bien que mal en mode trekking. Au col, c'est le bouchon pour la descente sur neige, très engagée, vers le refuge d'Estom, la pente est sévère, me rappelant celle du col Moretan à Belledonne, en moins verglacée ici.
J'hésite entre attendre pour passer avec la corde fixe où tenter le solo. Mais quand je vois certains solo c'est le grand n'importe quoi, maitrise aléatoire et vue mon état de fraicheur la décision est vite prise: on va attendre un peu.
Je renfile les gants, attaque les premiers mètres en ski-chaussures tout en me freinant avec la corde et puis repasse en mode luge, cette fois ça va vite, la première descente de tout à l'heure n'était qu'un simple échauffement, pas trop le droit à l'erreur sous peine de gamelles, j'atteins les 5000m/h sur la montre.
Merci aux coureurs passés avant moi pour avoir damé ce magnifique toboggan !
vidéo magnifique pour une épreuve très technique postée par race-cauterets et réalisée par B&B. Conditions météo compliquées, froid, brouillard et des plaques de neige nombreuses et étendues.
Et ça continue, le Lac d'Estom est en vue, une ultime partie sur neige et la fête est finie.
6h30 de course, et encore 13km.
Je cours mais beaucoup accélèrent... je perds des places mais tant pis, pas question de me retordre la cheville, encore sensible, et tout façon je peux pas aller plus vite sans me cramer et c'est pas l'objectif d'aujourd'hui !
1heure et une grosse gamelle plus tard, j'entre à nouveau dans Cauteret pour en terminer, 168è sur 618 partants, un peu déçu de pas être passé sous les 7h (objectif secret!), mais trop heureux de boucler cette incroyable course!
Et dire que qu'en 1906 Jean-Marie Bordenave bouclait déjà tout ça en moins de 5h30 ... no comment !
Merci aux nombreux encouragements des spectateurs sur la belle dernière partie, ça fait du bien; j'ai géré le physique jusqu'à la fin pour ne pas trop puisé dans l'organisme et regagner quelques places comme au Cagire, car dans la tête j'ai déjà le we prochain en vue, avec le Tour de l'Aneto au départ de Luchon (73km/4500m D+) !
2 gros évènements rapprochés, mais je ne pouvais rater ni l'un, ni l'autre ! Impossible.
Je vais de nouveau passé la barre des 3000m au Tuc de Mulleres (3010m) au coeur de la Maladetta, avec encore de belles émotions en perspective.
La saison estival est belle et bien lancée, en attendant le summum prévu à Suse, avec le triple kilomètre vertical du Rocciamelone (3538m).
Oui, programme chargé, mais quel programme !
Keep running!